Dimanche 09 août (2020), comme chaque année en début août, une commémoration en mémoire de Louis Stéphan est organisée par l'ANACR(1). Son président, Pierre Martin, l'un des derniers à avoir connu Louis Stéphan de son vivant – "on l'appelait P'tit Louis", se souvient-il – a conduit la cérémonie à laquelle étaient présents de nombreux élus du Pays de Bégard, de citoyens fidèles au devoir de mémoire, certains étant familialement liés au jeune Stéphan, et le député Yannick Kerlogot.
Sur l'espace du souvenir, sis Krec'h Ker, sur la route de la gare, Sylviane Biczo, l'adjointe à la citoyenneté, ceinte de son écharpe tricolore toute neuve, expérimente l'exercice du discours de célébration : "Le jeune Louis Stéphan, âgé de 15 ans, est certainement l'une des plus jeunes victimes tuées de sang-froid par des soldats allemands". Cela s'est passé le 5 août 1944. Louis Stéphan, voulant aller se baigner aux carrières, rencontre des soldats allemands en déroute. Parce qu'il était "armé" d'un pistolet à amorces, le colonel Kremke, qui commandait l'escouade, l'abat d'une balle en pleine tête.
"En cet espace de recueillement, nous évoquons le souvenir de tous les morts de cette guerre, de tous ceux qui sont tombés - militaires et civils - au combat, sous les bombes ou froidement assassinés", déclare l'adjointe qui ravive le souvenir "de ce jeune homme insouciant et plein de vie, fauché en pleine adolescence, victime d'un acte gratuit, un crime odieux". Pour elle, il y a dans cette commémoration un double devoir ; Un devoir vis-à-vis du passé tout d'abord – "cette stèle témoigne que nous devons nous souvenir de cette vie perdue, de toutes les vies perdues. Nous devons honorer nos morts, tant de sacrifices ont été faits pour lutter contre la barbarie" – et un devoir vis-à-vis de l'avenir, "car les errements du passé et les fondements de l'idéologie nazie n'ont pas été définitivement éradiqués. Il est de notre devoir de continuer à lutter contre les tentatives de retour du fascisme, de l'obscurantisme, des intégrismes de toutes sortes". En final, elle adresse son message aux jeunes générations, "qui construisent le monde de demain et qui, pour cela, doivent apprendre le respect d'autrui et le respect des différences pour garantir l'espoir d'un monde meilleur et la paix".
Pour Pierre Martin, "cette stèle témoigne de l'inacceptable, de l'oppression et de la brutalité". A quelques jours près, Louis Stéphan n'aura pas connu la liberté retrouvée, souligne le président de l'ANACR qui, en usant d'une anaphore, rappelle quelques faits historiques : "Libres les peuples d'Europe le 8 mai 1945 ; Libres les peuples d'Asie le 2 septembre 1945 ; Libres les parisiens le 25 août quand les FFI(2) et les alliés déferlèrent sur la ville lumière pour allumer le flambeau de la République ; Libres les Côtes du Nord le 17 aout 1944 quand les FFI et les américains envahirent Paimpol, dernière ville libérée du département ; Libres les derniers survivants des camps, hélas peu nombreux ; Libres les résistants évadés des prisons et des sinistres caves de torture de la gestapo et de la milice française".
Pour lui, citant Berthold Brech : "La bête immonde n'est pas morte et nous en avons des exemples en Europe et ailleurs, avec la résurgence d'élus aux idéaux fascistes qui se pavanent derrière des oriflammes nazies, et chez nous, où l'extrême droite tente, par des manifestations dites populaire, de se retrouver des vertus". Et de citer la tentative de dépose, par le Rassemblement National, d'une gerbe sur la stèle du Général de Gaules à l'ile de Sein, "alors qu'ils ont combattu le Général toute sa vie, qu'ils ont soutenu les factions de l'OAS(3) qui ont tenté à plusieurs reprise de le tuer".
Le député Yannick Kerlogot qui intervient ensuite, fait le lien entre le devoir de mémoire évoqué par Sylviane Biczo et l'histoire rappelée par Pierre Martin, en citant le philosophe Paul Ricoeur : "Le principe du devoir de mémoire pris en charge par les pouvoirs publics ne peut avoir une pleine légitimité, au nom d'un impératif de justice à l'égard des victimes, que s'il est adossé à la fois à un travail de mémoire et à un devoir d'histoire". Néanmoins, pour le député, et comme il l'avait d'ailleurs exprimé une heure avant lors de la cérémonie de Kergoula à Saint-Laurent [NDLR : Voir Hommage aux sacrifiés de Kergoula], "nous avons changé d'échelle ; Nous avons changé de combat ; Nous sommes devenus globaux, planétaires" et selon lui, à ce titre, de nouvelles formes de solidarités, "de rebonds collectifs", sont indispensables : "Au-delà des actes de l'Allemagne nazie, qu'ils faut dénoncer et entretenir le devoir de mémoire pour ne plus jamais les revivre, nous devons assumer pleinement cette idée qu'une Europe forte, qui porte les valeurs que vous avez défendues, ne peut se faire que par le binôme que constituent la France et l'Allemagne. Nous devons nous réjouir de voir ces deux acteurs d'une Europe toujours en construction, être à l'initiative de choix, de décisions qui vont dans le bon sens".
Il ne parviendra pas à conclure son intervention, la chaleur, le port du masque, la station debout, le poids des bannières, et peut-être la longueur des interventions, auront eu raison de la résistance de deux des porte-drapeaux.
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Notes : ANACR : Association Nationale des Anciens Combattants et Résistants – (2) FFI : Forces Française de l'Intérieur – (3) OAS : Organisation de l'Armée Secrète