"Puçage" ovin : plus qu'un débat sur l'élevage, un débat de société

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Date de l'évènement: 
Vendredi, 15 Mars, 2013

Vendredi dernier (15 mars 2013), ils étaient une petite vingtaine de spectateurs pour visionner le film "Mouton 2.0" proposé par le comité d'animation de Trézélan. Réalisé par Antoine Costa et Florian Pourchi, ce film présente les perceptions de deux mondes opposés : d'un côté, ...

... les technocrates, les chercheurs et les gros éleveurs qui ne voient que des avantages dans le 'puçage' des ovins et de l'autre, les éleveurs, qui puisent dans leur métier l'essence même de leur vie et qui s'opposent à l'industrialisation de leurs pratiques.

"La puce RFID permet l'identification complète de l'animal" explique un des chercheurs de l'Inra dans le film. "Elle contient son numéro officiel sur 15 chiffres dont l'identifiant du pays d'origine, sa date d'arrivée, son code génétique, ses parents, les vaccins, les traitements sanitaires…" détaillant ensuite les applications possibles telles que la sélection, la pesée, la distribution automatique de compléments alimentaires, les compteurs à lait, le suivi des cheminements, notamment dans la phase de commercialisation, ect. Il parle alors de couverture wifi de l'exploitation, de liaisons bluetooth, de serveur, de PDA (1), de logiciel, de cellules infrarouges, et même d'appareillage permettant de détecter les chaleurs de l'animal, données qui seront récupérées lors de son passage à l'abreuvoir, le but étant d'organiser au mieux l'insémination et de préférence (et peut-être obligation en 2015) avec la semence d'un reproducteur certifié.

Mais contrairement à ce que l'on peut lire sur le site de la Chambre d'Agriculture du Calvados : "C'est trop robot pour être vrai!", de nombreux éleveurs s'élèvent (!) contre cette mesure devenue obligatoire. Ils craignent de devenir des sous-traitants de l'industrie agro-alimentaire et de perdre leur autonomie.  "Depuis le 1 juillet 2010, on est obligé de "pucer" électroniquement toutes les bêtes de plus de 6 mois destinées à l'élevage et à l'abattoir. On ne voit pas pourquoi ils veulent nous faire mettre des puces électroniques. Les marquages déjà fait sont largement suffisants en matière de traçabilité" dit un éleveur opposé au puçage. .. Un autre dit : "Il faut développer des gadgets de traçabilité pour pouvoir dire : 'nous, on a fait tout ce qu'il faut en matière de traçabilité sanitaire'. Mais ça, c'est du côté des pouvoirs publics et bien sûr, comme partenaires, ils trouvent des entreprises qui ne demandent que ça, vendre des puces, des vaccins et toutes autres choses". Un autre encore, jeune éleveur du sud de la France : "Je n'ai pas choisi ce métier pour avoir des brebis avec des boucles électroniques, qui vont passer en faisant 'bip' et qui vont s'afficher dans mon ordinateur" ou encore, cette éleveuse : "On passe beaucoup de temps à observer les bêtes, à regarder si tout va bien. L'élevage industriel dit que tout ce lien, c'est de la sensiblerie".

Dans ce débat il apparaît à l'évidence que la science acquise des technocrates s'oppose à celle, tout autant respectable, des éleveurs, fusse-t-elle empirique. Comme le dira enfin un autre berger, "C'est le résultat d'une volonté de vouloir tout contrôler. Là, c'est pour les bêtes, mais je pense qu'on veut contrôler toute la société".

Très bien réalisé, le documentaire n'aura pas laissé indifférents les spectateurs de Trézélan. "C'est sûr que pour les gros éleveurs qui ont des centaines de bêtes, c'est plus facile de gérer avec les puces" résume Michel Thomas, le président du comité d'animation, "mais les petits, on va les obliger à avoir des équipements informatiques et ils n'ont pas forcément le budget pour cela". Il souligne par ailleurs que les particuliers détenteurs d'un animal de ferme, ovin et caprin notamment, sont tenus de le déclarer et qu'ils sont, eux aussi, concernés par cette obligation de puçage. "On ne pourra plus faire d'échanges, on ne pourra plus emprunter le bélier du voisin". Globalement, les avis exprimés à l'issue de la projection vont dans le sens des petits éleveurs opposés à la mesure. Comme le dira l'un d'eux : "Quand on parle, de traçabilité, ça fait bien rigoler avec le bœuf de ch'val qu'on trouve chez Ikéa et même chez Panzani". Mais revenons à nos moutons…

Si vous avez raté "Mouton 2.0", le président du comité d'animation de Trézélan a annoncé qu'il sera projeté à nouveau lors de la prochaine fête du fromage (le 8 juin), de même que le seront le film de S. Bettex et F. Pourchi. "Une abeille passe" et le documentaire qu'Arnaud Dietrich, caviste "bio" à Plougonver, a réalisé à propos du vin. Il se dit d'ailleurs, que cette projection pourrait-être suivie d'une dégustation de ses vins... A suivre... avec modération bien entendu.

(1) Personnel Digital Assistant – Terminal de saisie à distance

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