GP3A – Conseil d'Agglomération – Le principe de solidarité territoriale mis à mal

Envoyer un mailEnvoyer un mail
Date de l'évènement: 
Jeudi, 28 Juin, 2018

Jeudi 28 juin (2018), lors du Conseil d'Agglomération de GP3A(1) présidé par Vincent Le Meaux, il a été question de solidarité territoriale à l'occasion du débat qui a précédé le vote sur la répartition du FPIC(2). Instauré en 2012, le FPIC instaure un mécanisme de solidarité financière au sein de l'Agglomération, c’est-à-dire entre GP3A et les communes membres de GP3A, comme ...

... cela se faisait dans les anciennes intercommunalités, notamment entre « Pays de Bégard » et les 7 communes de « Pays de Bégard ». "C'est une dotation horizontale, explique Vincent Clec'h, le 5ème vice-président en charge des finances, c'est à dire que ce n'est pas l'Etat qui donne de l'argent, c'est un système de versement et de réversion de ressources fiscales. Autrement dit, ce sont les intercommunalités les plus riches qui versent à celles qui sont un peu plus pauvres". Pour 2018, le FPIC versé à GP3A est de 2.267.723€, "soit, poursuit le Vice-Président, 34.000€ perdus par rapport à 2017, alors qu'en 2017, nous avions gagné 187.000€ par rapport à 2016. Pour la part intercommunale, c'est 82.000€ de baisse de FPIC et pour les communes, une hausse globale de 48.647€".

Pour répartir cette manne financière, il existe trois systèmes : la répartition de droit commun, la répartition dérogatoire à la majorité des deux tiers et la répartition dérogatoire dite "libre" [NDLR : Tout savoir sur le FPIC et les mécanismes de répartition ICI]. Selon le mode dit "de droit commun", sur les 57 communes de l'Agglomération, 42 communes perdent du FPIC et 15 gagnent plus de 100.000€ cumulés. Parmi les communes pénalisées par rapport aux versements 2017 figurent toutes les communes de l'ancien EPCI(3) « Pays de Bégard » : Bégard (-3.339€), Kermoroc'h (-648€), Landébaëron (-154€), Pédernec (-2.938€), Saint-Laurent (-2.222€), Squiffiec (-2.645€) et Trégonneau (-1.260€).

Par ailleurs, du fait de la fusion des 7 anciennes intercommunalités au sein de GP3A – certaines étant considérées plus riches que d'autres - pour certaines communes, de par la modification des ratios financiers sur lesquels s'appuient certaines dotations, telles que la DSR(5) et la DGF(6), en plus de la perte en FPIC, elles subissent une baisse de DGF voire une perte de DSR. C'est le cas de Pédernec.  Le principe de répartition du FPIC proposé par la commission des finances est donc le suivant : les communes dont le FPIC 2018 est supérieur à celui de 2017 (selon une répartition de droit commun) qui ne perdent pas de DGF – elles sont douze : Grâces, Guingamp, Kerfot, Lanleff, Pléhédel, Plouézec, Plouisy, Ploumagoar, Plourivo, Saint-Agathon et Yvias – reversent leur gain de FPIC 2018 pour compenser la perte de DSR cible de 14 autres communes qui sont : Bourbriac, Brélidy, Bulat-Pestivien, Callac, Kerpert, Loc-Envel, Lohuec, Mael-Pestivien, Pédernec, Plougonver, Plusquellec, Quemper-Guézennec, Runan et Saint-Nicodème. La somme ainsi collectée, soit 90.455€, est reversée aux 14 communes proportionnellement à leur perte de DSR Cible. Ainsi, Pédernec qui a perdu sa DSR Cible se voit compenser à hauteur de 12.684€, ce qui porte son FPIC de 37.948€ (répartition de droit commun) à 50.632€.

Cette répartition dérogatoire dite "libre" nécessite un vote unanime du Conseil d'Agglomération ou un vote à la majorité des deux-tiers des suffrages exprimés et dans ce cas, les 57 conseils municipaux doivent voter cette répartition dans les deux mois. A défaut de délibération communale, les communes sont réputées avoir approuvé la répartition.

"Vous vous rappelez qu'on a tous signé une charte au moment de la création de l'Agglomération dans laquelle on avait mis que s'il y avait des effets financiers induits par la fusion, on essayerait de les corriger, souligne Vincent Clec'h ; Et là, on est vraiment dans ce cas, même si la correction n'est que partielle, afin qu'elle soit acceptable par ceux qui contribuent".

Prendre aux pauvres pour donner aux pauvres...

Jacques Mangold, le maire de la commune de Plouëzec, qui serait alors contributrice à hauteur de 4.166€, dit avoir eu ce dossier un peu tard et n'avoir pas eu le temps de l'étudier. "De toute façon, ne vous inquiétez pas, je ne voterai pas pour ce dossier ce soir, je m'opposerai car je veux avoir du temps pour l'étudier". Il évoque d'autres cas de solidarité où sa commune a été mise à contribution sans avoir eu de retour, dans le cas notamment des attributions de compensation communales (!) et il ajoute :"En gros ce que vous nous proposez, c'est d'égaliser par le bas en prenant, pour les pauvres, à d'autres pauvres. C'est sympathique la solidarité dans ce sens-là, mais pourquoi il n'y a pas de participation générale, même les communes qui n'ont rien pourraient aussi faire un effort, alors qu'elles sont restées au même niveau" puis de conclure en s'adressant au Président de l'Agglomération : "J'attends aussi de votre part une solidarité qui aille dans différents sens".

Donner un signal ou perdre son âme

Philippe Le Goff, le maire de Guingamp, contributeur à hauteur de 16.710€, regrette le manque de visibilité de la part des technocrates de Bercy et que les montants des dotations ne soient connus qu'après le vote des budgets qu'il qualifie alors "de budgets insincères". Quant à la répartition du FPIC, il déclare : "On doit arbitrer sur cette question, non pas par rapport au passé mais par rapport à l'avenir. Pour ma collectivité, il est important, en termes de fondement, de socle, de message envoyé, de faire en sorte que cette solidarité se mette en œuvre et j'aspire à ce que chacun rentre en empathie avec les collectivités qui sont touchées par ce qu'il leur arrive [...] On est ensemble sur le même navire".

Pour la commune de Ploumagoar, autre contributrice à l'effort à hauteur de 20.482€, Bernard Hamon déclare : "Je suis comme mon collègue de Guingamp. On fait partie du même territoire... Il y a des gagnants, il y a des perdants aujourd'hui, il y en aura peut-être moins demain si on arrive à s'arranger [...] Si on ne donne pas un signal ce soir, on aura perdu une partie de notre âme".

Cyril Jobic émet un bémol à propos du tableau présenté qui pointe les répartitions et trouve dommage que les communes, comme la sienne, "qui ont perdu les autres années, ne rentrent pas dans ce tableau".

Rémy Guillou (Plouisy) reprend à son compte l'expression de Bernard Hamon : "ne pas perdre notre âme". "C'est un élément fondamental si nous voulons construire un territoire, dit-il, même si j'abandonne 25% du FPIC que j'étais susceptible d'avoir". Il abandonne 8.385€ d'un FPIC 2018 de 41.369€. "Ce que nous subissons ici, c'est une conséquence directe de la création de notre agglomération. Nous l'avons voulue, nous l'avons votée et nous devons assumer les conséquences de cette création" et de conclure en évoquant la notion "d'esprit de territoire" et d'appeler à un vote unanime pour montrer que GP3A est UN territoire.

Pierre Saliou, le maire de Pabu, "qui bénéficie pour la première fois de la DSR Cible et qui n'est pas une commune riche, est appelée à contribuer à l'effort de solidarité et le fera sans aucune arrière-pensée" souhaite que les onze autres communes le fassent aussi ainsi. "Je ne comprendrais pas que l'on vote contre".

Claudine Guillou, la première vice-présidente répond à Jacques Mangold, "qui semble dire que la perte de la DSR Cible, pour certaines communes, est normale car ces communes seraient plus riches". Elle prend l'exemple de sa commune – Bourbriac – "qui perd 116.000€, qui n'est pas une commune riche, qui est la commune la plus étendue du département, avec une longueur importante de voirie". Elle contribue à hauteur de 17.763€ pour cette répartition du FPIC ! "Cette solidarité renverrait une image très forte de l'Agglo ; Nous sommes un seul territoire, apportons-en la preuve ce soir" déclare-t-elle en conclusion.

Les autres intervenants – Yannick Le Goff, Philippe Coulau, Jean-Yves Dannic – affirment eux aussi cette nécessité de se montrer solidaires, mais demandent à ce que le mécanisme de la CLECT(7) soit revu afin d'en tirer "quelques bénéfices en contrepartie de cette solidarité". Vincent Clec'h apporte quelques éclairages avant que Vincent Le Meaux mette un terme au débat en évoquant la DGF, "cette Arlésienne devenue une usine à gaz qui satisfait tout le monde puisque, lorsqu'un gouvernement a voulu la faire bouger, on est resté au point mort" avant de revenir au sujet : "On a constaté que l'effet de fusion, qui a eu des conséquences sur les DGF, a aussi eu un effet sur le FPIC ; Mais le FPIC, c'est de notre totale autorité et je ne veux pas entendre un élu dire qu'il ne connait pas le mécanisme du FPIC !". Il évoque sans aucun doute la déclaration de Jacques Mangold qui demande du temps pour étudier le dossier et il poursuit : "Sur le FPIC, on n'applique pas des réflexions de boutiquier, mais des réflexions politiques majeures de solidarité" et de conclure : "l'enjeu politique doit nous amener à une cohésion au regard de ces communes qui ont très mal vécu cette période budgétaire et c'est honteux d'avoir les dotations de l'Etat après le vote des budgets. On ne peut pas fonctionner comme cela ! L'Etat doit être au rendez-vous de sa simplification, de sa modernisation pour faire en sorte de ne pas nous mettre au pied du mur". Il met aux voix la délibération en réaffirmant à nouveau son souhait que les élus soient le plus unis possible.

La solidarité territoriale mise à mal !

[vote] Jacques Mangold et Yvon Simon (Plouézec – Contributeur à hauteur de 4.166€), Jean-Pierre Le Normand (Ploubazlanec), Patrick Vincent (Saint-Agathon – Contributeur à hauteur de 7.124€) porteur du pouvoir d'Anne-Marie Pasquet (Saint-Agathon) et Michel Raoult (Plourivo - Contributeur à hauteur de 4.988€) votent contre. Anne Deltheil (Pléhédel) et Danielle Brézellec (Ploubazlanec) s'abstiennent. A noter, à propos de la commune de Ploubazlannec que son FPIC 2018 est en hausse - 71.326€ pour 68.110€ en 2017- mais qu'elle n'a pas fait l'objet d'une ponction de solidarité car elle subit une perte en DGF non compensée par la hausse de son FPIC. Cherchez l'erreur !

Pour Vincent Le Meaux, le Conseil a "presque" fait preuve d'unanimité ! Il regrette la position des conseillers communautaires qui ont voté contre le principe de répartition du FPIC ;  "Ils ont pris la décision de tirer au vol sur l'Agglomération et d'une certaine manière ils viennent aussi de se tirer dans les pieds". Ce sera sa conclusion.

--------------------------------------------------------------

Notes : (1) GP3A : Guingamp Paimpol Armor Argoat Agglomération – (2) FPIC : Fond de Péréquation des ressources Intercommunales et Communales – (3) EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunale – (4) CIF : Coefficient d'Intégration Fiscal : indicateur mesurant le poids des ressources fiscales intercommunales dans les ressources fiscales totales de son territoire– (5) DSR : Dotation de Solidarité Rurale ; Dotation réservée aux 10.000 communes françaises les plus pauvres – (6) DGF : Dotation Globale de Fonctionnement – (7) CLECT : Commission Locale d'Evaluation des Charges Transférées

Partagez cet article