Mardi 27 août (2019), c'était la reprise des Conseils d'Agglomération et pour bien marquer le coup, ce n'est pas un Conseil qui avait été planifié ce jour, mais deux ! Et le premier, d'une durée de plus de deux heures, était consacré exclusivement à l'attribution d'une Délégation de Service Public en matière de transports, "et pas simplement des transports, précise Vincent Le Meaux, mais de toutes les politiques de mobilité sur le territoire de l'agglomération, à partir de la mi-septembre et ceci jusqu'à 2025". Pour GPA(1) ...
... c'est une première épreuve, puisque, comme le précise le président, "nous n'avions pas, avant, l'obligation d'organiser les transports, mais la loi NOTRe(2) a transféré cette compétence aux agglos et nous héritons de cette compétence qui était auparavant celle du Conseil Départemental"... et de la Région pour ce qui est des transports scolaires. Cette nouvelle compétence ne se limite pas aux transports : "Les enjeux de mobilité sont bien plus larges que les transports scolaires et les transports interurbains, poursuit Vincent Le Meaux ; Nous avons obligation d'organisation des mobilités sur le territoire et c'est une matière très complexe, puisque nous devons assurer un service public qui concerne tous les habitants du territoire et au-delà même de ces habitants, toutes les personnes - citoyens et citoyennes - mais aussi les touristes qui pourraient utiliser les transports de l'agglomération."
Autrement dit, il ne s'agit donc pas d'une simple reprise des services actuels dénommés « Axéobus », mais d'une restructuration du réseau de l'agglomération afin de répondre aux différents besoins de mobilité des habitants, "ce qui est un facteur essentiel de développement de l'attractivité du territoire". L'exercice est difficile et la procédure choisie par la commission DSP(3) dite de "dialogue compétitif", permet à la personne publique de discuter avec les candidats tous les aspects du marché, dans le strict respect de la concurrence, en respectant notamment une discrétion absolue à l'égard des candidats. Les offres remises ensuite été explicitées, modifiées pour améliorer leurs potentialités. Pour cette DSP, les candidats conviés à ce "jeu" étaient Transdev SA, Cars Rouillard et Stug (Société de Transport Urbains Guingampais), en groupement avec Voyages Nicolas et Autocars Jézéquel. La deuxième n'a pas fait d'offre et la procédure de dialogue compétitif a donc été menée avec Transdev SA et Stug.
Périmètre et objectifs
Difficile de résumer une procédure de 9 mois présente Jacky Gouault le président de la commission d'Appel d'Offres qui précise les besoins fonctionnels de la DSP : structuration de la desserte du territoire par la ligne de chemin de fer Paimpol-Guingamp-Carhaix – "on veut que cette ligne soit l'élément principal des mobilités, même si elle n'irrigue pas tout le territoire" - desserte de Guingamp et de son agglomération, desserte de Paimpol et de son agglomération, les 38 lignes du réseau de transport scolaire transférées par la Région, le transport à la demande zonal en rabattement vers les gares, le transport des personnes à mobilité réduite, la desserte pour les touristes, les pôles d'échange multimodal (gares principales et intermédiaires), les réseaux actifs – marche à pied et vélo – et les moyens partagés tels que le covoiturage, l'autopartage et l'autostop partagé. "On n'est pas là pour se substituer à ce qui fonctionne déjà très bien entre particuliers sur des plateformes performantes, précise Jacky Gouault à propos des moyens partagés... On est là, en complément, en facilitateur, pour offrir une offre de mobilité complète pour les usagers du territoire".
Objectifs
Les objectifs visés sont de proposer la création et la mise en oeuvre d’un véritable réseau de mobilités sur tout le ressort territorial de GPA, maillé, hiérarchisé en fonction des densités de population, d’emplois et des touristes en saison - liaisons directes de pôle à pôle, temps de parcours réduits, fréquences de passage adaptées, amplitudes horaires adaptées, arrivées aux établissements d’enseignements cohérents avec les heures de début de cours, rabattements à pied et à vélo favorisés vers les points d’arrêts de transport collectif, développement de l’usage du train avec une offre de mobilité en correspondance y compris pour les scolaires, développement de l’usage des mobilités actives (vélos, marche à pied) et partagées (covoiturage, autopartage…) – d'accompagner le développement du territoire en tenant compte du projet de territoire à 2030 – desservir les pôles générateurs de mobilité (enseignement, santé, pôles urbains denses et centres bourgs, zones d’emplois, zones commerciales, sites touristiques…), faire du réseau de mobilité un acteur de la dynamisation du territoire de l’agglomération, développer des services innovants et expérimentaux pour faire rayonner l’agglomération à travers le réseau de mobilités AXEO – de financer le projet de réseau de mobilité par les recettes tarifaires des usagers, un fonctionnement maitrisé et optimisé des services et des modalités d’exploitation et par une contribution forfaitaire de l’autorité délégante pour soutenir l'exploitation et le financement des investissements, compatible avec les contraintes budgétaires de la collectivité.
A propos d'investissements, figure en option, pour Transdev uniquement, la construction d'un dépôt de 10.000m2 ce qui représente un investissement pour la collectivité de 1.3M€.
Choix du délégataire
C'est Guy Connan qui prend ensuite la parole pour donner lecture des conclusions, point par point, de la commission Appel d'Offre. Ainsi, de l'analyse comparative des deux offres, il en ressort que "les deux candidats présentent une offre de qualité tout en respectant la contrainte budgétaire de l’autorité délégante. Ils proposent tous les deux un service de transport à la demande restructuré en 3 zones ce qui correspond mieux à la demande". Les services de mobilité durable (vélos, covoiturage, autopartage) sont mis en œuvre dès avril 2020 chez les 2 candidats, mais Transdev propose 150 vélos en location contre 10 vélos chez Stug. En conclusion, tout comparé, la commission a conclu que l'offre de Transdev était "plus puissante" que celle de la Stug. Ainsi, Transdev propose une amplitude horaire de service plus large sur les lignes régulières et le TAD(4), une ligne 24 renforcée sur Paimpol dès 2020, une offre de transport à la demande permettant des dessertes intra et intercommunales pour l’accès aux villes proches tout en garantissant les horaires d’arrivée et de départ aux points de rabattement et permettant aussi des dessertes exceptionnelles sur rendez-vous (ciné, site touristique, match). Par ailleurs, elle propose une mutualisation du TPMR(5) avec le TAD, la mise à disposition de 150 vélos, de 2 parcs vélos, de 10 vélos box et de 10 véhicules électriques en autopartage répartis sur 5 stations aux pieds des bornes de recharge électrique existantes (Breez’Car). Ceux-ci seront gérés avec la société CLEM, premier opérateur d'autopartage de véhicules électriques à proposer une interface utilisateurs permettant le partage de leur trajet et des coûts associés. Enfin, l'offre prévoit du stop partagé organisé par « Réso pouce ».
"Suite à la commission du 17 juillet 2019, j'ai été appelé à prendre la décision, conclut Vincent Le Meaux ; J'ai bien conscience qu'il s'agit de 2 entreprises du territoire, l'une est plus connue sur le fer moins sur le transport scolaire, même si l'on voit ses cars passer. Pour autant il y a des éléments objectifs, des équilibres financiers et économiques, des enjeux de développement durable et enfin la garantie de l'accompagnement de l'agglomération dans la structuration d'une politique des mobilités alors même que notre agglo ne compte qu'un seul agent spécialiste au sein de nos services". Pour lui, il n'est pas question de rater la prise de compétence portée précédemment par le Département, puis par la Région et dans quelques jours, par l'agglomération. "Le choix est donc de proposer l'entreprise Transdev ; L'une nous a très bien répondu sur l'enjeux du transport sur notre territoire, l'autre a très bien répondu sur l'enjeu des mobilités sur le territoire... et le choix est de faire le pari de la mobilité".
Calendrier de mise en œuvre
La DSP est effective à la date du 19 septembre prochain ► A cette date, Transdev reprend le réseau actuel Axéo – 3 lignes régulières sur Guingamp avec une amplitude horaire étendue (7h13 à 18h46), le TAD et TPMR zonal et les 2 services scolaires de Guingamp ville ► En janvier 2020 les lignes scolaires gérées par la Région sont transférées à l'Agglomération mais les lignes scolaires sont ouvertes au public ► En avril 2020, le réseau intermédiaire est mis en place et la ligne 24 sur Paimpol est renforcée. Le TAD est refondu en rabattement sur les villes centres et les gares ; Les horaires d'arrivée et de départ sont garantis et des dessertes exceptionnelles sur rendez-vous sont prévues. Enfin, côté TPMR, le service prend en charge la personne, soit à un arrêt accessible, soit à son domicile. Enfin, toujours en avril, selon les prévisions du délégataire Transdev, 150 vélos à assistance électrique à location longue durée seront proposés ainsi que le service de covoiturage avec la plateforme « OuestGo », et l'autostop partagé avec « Rézopouce » ► En septembre 2022, les 38 services scolaires sont restructurés et ouverts à tous, dont 23 services secondaires pour tous public,s accessibles durant les congés scolaires ► En septembre 2024, la ligne 24 (desserte de Paimpol) est étendue sur l'hôpital et renforcée.
Les débats
C'est Christian Coail qui intervient en premier ; Il souligne le travail important réalisé dans le cadre de ce dossier, mais il exprime un regret : "la durée de 6 ans et un calendrier de mise en œuvre qui ne nous laisse qu'un an et demi de DSP complète sur l'ensemble de la mission". Apparemment, 6 ans est la durée moyenne de ce type de DSP selon Jacky Gouault. "L'un des axes majeurs du projet de territoire, c'est le défi environnemental, poursuit le Conseiller Délégué aux finances, maire de Saint-Servais, et dans le cadre de cette DSP, la question est de savoir comment on va pouvoir relever ce défi et faire en sorte qu'il n'y ait pas de bus à circuler à vide". Il se dit ensuite conquis par la communication proposée par Transdev – « Pédale jusqu'à Plouezal », « En selle jusqu'à Loc Envel » mais il reste circonspect quant à la dénomination du réseau : « Axéo AKA » (Armor Kreiz Argoat). "Aka, c'est aussi, en d'autres endroits, des pygmées, nomades d'Afrique" signale-t-il [NDLR : Bon, déjà, s'ils sont nomades, on reste dans le thème de la mobilité non !?] Mais plus sérieusement, l'objet de son intervention concerne l'aspect financier : "On a bien une connaissance parfaite de tous les coûts : contribution forfaitaire [NDLR : 10.610.207€ sur la durée du contrat)] , investissements [NDLR : 1.960.318€ sur la durée du contrat], des options dont certaines couteuses - 1,3M€ pour un entrepôt, ce n'est pas rien même si on n'est pas obligé de le faire de suite [NDLR : Voire même de ne pas le faire dans la durée de la DSP] - et en face de ces coûts, il faut s'interroger sur les recettes potentielles : versement transport, [NDLR : Il l'évalue à environ 600.000€] et contribution de la Région". Selon lui, au regard de ces éléments, on détermine la charge nette de l'agglomération, "et cela pose la question de l'évolution de nos recettes : soit on laisse les choses en l'état et c'est la capacité financière de l'agglo qui est atteinte, soit, on décide de couvrir d'une manière plus importante la charge générée par la DSP et alors, on fait évoluer le taux du versement transport".
Cinderella Bernard, qui rejoint Christian Coail sur les aspects financiers, avoue avoir un "pincement au cœur" du fait de la mise à l'écart de l'entreprise Jézéquel. Elle est interpellée par un point du dossier où il est question de "recherche de gains de productivité" : "On sait que lorsque l'on recherche à minimiser les coûts, le risque c'est que ce soit la masse salariale qui soit la variable d'ajustement. A rechercher toujours les prix bas, on se retrouve avec des services qui répondent à des besoins mais à quelles conditions, sachant que lorsque les travailleurs ont des conditions de travail plus difficiles, c'est la qualité des services qui est interrogée" et de renouveler son "profond et très grand regret pour Jézéquel".
A ce niveau du débat, Vincent Le Meaux tient à préciser : "N'oublions pas qu'il y a autant de salariés de Transdev dans le territoire que de salariés de l'entreprise Jézéquel". Il dira par la suite que les prix proposés par les deux entreprises étaient très proches et concernant l'approche sociale dont fait état la Conseillère Départementale, il déclare : "Nous faisons confiance aux chiffres avancés par les entreprises dans leurs simulations salariales et au regard des informations données - le taux d'absentéisme par exemple [...] - on ne peut pas extrapoler qu'une entreprise considère mieux ses salariés qu'une autre".
Dominique Pariscoat, évoquant plus particulièrement le parc de 150 vélos, s'interroge : "A-t-on besoin de tous ces services sur le territoire ?". Il est par ailleurs surpris "que la tarification soit faite par l'exploitant et non pas par l'agglomération" et il pointe l'important investissement de 1,3M€ pour un bâtiment...
Guy Connan répond : "150 vélos répartis sur le territoire, ce n'est pas surdimensionné" et s'il partage le sentiment de tous vis-à-vis de Jézéquel – "Changer de délégataire n'est jamais évident" – il rappelle que les délégataires ont intégré une part importante de sous-traitance, notamment pour les cars scolaires.
Yannick Kerlogot s'étonne de la différence du nombre des conducteurs – 33 pour Stug en 2025 pour 24 pour Transdev – alors que le Délégataire s'engage à reprendre le personnel de l'ancien délégataire... Quant à l'entrepôt, à l'heure où les collectivités sont sous surveillance quant à l'occupation des sols, il déclare : "N'a-t-on pas un défi de pouvoir réhabiliter de la friche industrielle plutôt que de construire ?".
Guy Kerhervé déplore à son tour le choix fait : "deux dossiers, deux prestataires qui s'opposent, les règles du jeu sont les mêmes pour tous et à la fin, c'est le PSG qui gagne... Là, c'est Véolia et en face, on a une entreprise locale". Vincent Le Meaux s'insurge immédiatement : "Transdev est une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations (alias CDC), pilotée par l'Etat et le président de la CDC est nommé par la Président de la République. Depuis le 1er janvier 2009, ce n'est plus Véolia". Guy Kerhervé retire... mais continue à déplorer qu'une multinationale l'emporte contre une entreprise locale qui participe à la vie locale. Vincent Le Meaux revient à la charge une nouvelle fois : "Il s'agit de deux entreprises du territoire, basées sur l'agglomération ; L'une est à Louargat et l'autre à Grâces, pour la gestion de la ligne Paimpol-Carhaix" et il rappelle que Transdev a déjà été titulaire de marchés de transport lorsque c'était le Département qui avait la compétence de les attribuer.
Interviennent ensuite Emmanuel Lutton qui réagit à la perte d'une ligne scolaire dans l'offre de Transdev - : "39 lignes scolaires à 38... Attention à ne pas trop diminuer les lignes scolaires sous peine d'imposer des trajets trop longs aux enfants" – Brigitte Godfroy, la maire de Louargat qui respecte le choix de la commission mais regrette que ce soit contre Jézéquel "qui avait beaucoup investi depuis deux ans", Henri Patin de Brélidy qui signale que sa commune "ne semble pas être concernée par le TAD pour les actifs", Jean-Yves Dannic qui s'étonne que la Stug prévoit 2,5 millions de voyageurs et Transdev : 6.3 millions...
C'est Jacques Mangold qui clôturera ce long moment d'échanges : "Je mesure au travers de ce dossier le grand fossé qu'il y a entre un élu municipal et un élu communautaire, dans l'acceptation du dossier, dans sa conception, son utilisation, sa réflexion et son analyse et je félicite ceux qui se sont démenés pour arriver à cet état de synthèse", synthèse aussi longue oralement que par écrit jugera-t-il, "et qu'il faut se taper à la fois par écrit et par oral". Néanmoins, et selon lui, à son niveau, le niveau communal, il ne retrouve pas ses billes : "Je ne retrouve pas une plus-value énorme par rapport à ce qui est proposé aujourd'hui. Il y a des possibilités d'évolution, mais pour qu'il y ait de telles possibilités, il faut croire... et je ne crois plus ! Je ne crois plus à ces évolutions toujours intéressantes avant les marchés, au début des marchés, mais qui, par la suite consomment des coûts financiers extrêmement lourds. Je ne suis pas sûr que les itinéraires proposés, les horaires, soient pour certaines lignes, des gages de sécurité en matière de remplissage". Il annonce donc sa réserve lors du vote.
Vincent Le Meaux lui répond : "Celui qui ne croit plus n'a plus d'espoir, donc, à quoi bon être élu ?" puis il conclut le débat : "La responsabilité de l'organisation des mobilités est désormais celle de l'Agglo. C'est quelque chose d'extrêmement responsabilisant et le travail entre les élus communautaires et les élus municipaux doit être de premier ordre. On est dans le cadre d'une délégation et pas d'une prestation de services... Les servitudes sont maximales pour limiter les risques civils, légaux et financiers".
Le vote
Sur les 63 votants, 8 abstentions sont enregistrées dont celle de Marie-Yannick Prigent (Kermoroc'h). Il y aura 7 votes contre, donc ceux de Cinderella Bernard (Bégard) et d'Annie Le Gall (Saint-Laurent) et celle de Jacques Mangold (Plouézec) et l'attribution de la DSP à l'entreprise Transdev est adoptée à 76%.
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Notes : (1) GPA : Guingamp Paimpol Agglomération – (2) NOTRe : Nouvelle Organisation Territoriale de la République – (3) DSP : Délégation de Service Publique – (4) TAD : Transport A la Demande (5) TPMR : Transport pour Personnes à Mobilité Réduite