Solidarité, ruralité, proximité… Les mots clés de la réforme territoriale vue par les élus communautaires

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Date de l'évènement: 
Mercredi, 7 Octobre, 2015

Mercredi 7 octobre (2015), en clôture du Conseil Communautaire, s'est ouvert le débat sur la loi NOTRe qui encadre la réforme territoriale. Sans revenir sur le détail de ce qui se prépare car nous l'avons déjà présenté en préambule des ...

... débats des élus de Bégard (NDLR : Article ICI), l'information nouvelle, pour ne pas dire le scoop, c'est l'ouverture du territoire de près de 50.000 habitants dessiné par Bégard, à un territoire plus étendu. "Ce matin, expose Vincent Clec'h, le président du Pays de Bégard, avec Cinderella Bernard et Vincent Le Meaux, nous étions avec le préfet et on a eu la chance de voir la carte qui sera présentée le 13 octobre; Je peux vous dire qu'il y aura des mécontents mais pour nous, cela reste conforme à ce qui a été évoqué hier soir à Pabu". La veille, Loïc Cauret, le référent des communes au CDG22(1), invité par Yvon Le Moigne, Bernard Hamon et Jean-Yves de Chaisemartin, respectivement Président du Pays de Guingamp, de Guingamp Communauté et de Paimpol-Goëlo Communauté et tous trois favorables à un territoire calqué sur le Pays – "une intercommunalité de Pays" - avec 74 communes et plus de 100.000 habitants, avait animé un débat pour permettre aux maires et aux présidents des CdC(2) concernées ou impliquées de s'exprimer sur la fusion proposée.

La carte en question, celle aperçue chez le Préfet, présente selon Vincent Clec'h, un regroupement des intercommunalités du Pays de Guingamp, Belle-Isle-en-Terre, Bourbriac, Pontrieux, Paimpol-Goëlo et Guingamp. Cela représente une intercommunalité d'environ 70.000 habitants au centre duquel se trouve l'actuel Pays de Bégard et Bégard (NDLR : Voir la carte parue le 13 octobre ICI). Un territoire rural et maritime donc, ce qui a fait réagir Noël Bernard, l'élu de Bégard.

Noël Bernard : La CdC de Paimpol n'est pas la bienvenue

"En tant que vétéran de l'intercom, je voudrais rappeler l'esprit qui a toujours été le nôtre, intervient le vétéran des élus de Bégard. Quand nous avons créé le SIVOM, nous l'avons fait entre tous les élus du canton. C'est devenu l'intercommunalité, mais toujours en discutant à notre échelle et en vérifiant les capacités de financement de notre institution. Dans tous les cas, c'était la démocratie qui primait; Nous n'avons jamais fait de différence d'ordre politique entre les uns et les autres ou entre telle ou telle commune. Nous avons toujours fait des choses voulues par nous localement dans l'intérêt général des gens. Ce qu'on nous propose aujourd'hui, c'est tout à fait différent. Jusqu'ici, nous avons fait en sorte de ne pas engendrer une structure énorme au sein de laquelle nous n'aurions pas de maîtrise véritable. Cela n'a pas abouti à l'intercommunalité de 15.000 habitants qui aurait fait perdurer cette coopération intercommunale à laquelle nous tenions". Noël Bernard fait ici état des travaux de rapprochement avec le Centre Trégor qui ont été menés avant les élections municipales de 2014. "Aujourd'hui, poursuit-il, je ne vois pas pourquoi nous ne garderions pas le même esprit, c’est-à-dire, faute de mieux, se retrouver dans une structure ou nous pourrons avoir la possibilité de nous exprimer normalement; Et cette structure, c'est le centre de vie qui a toujours été le nôtre, c’est-à-dire : Guingamp. Ce qui importe dans la réalité, c'est que les habitants de notre secteur aient la possibilité de s'exprimer le mieux possible. Plus la structure sera énorme, plus la démocratie y perdra et si la démocratie y perd, l'efficacité économique y perdra aussi". Et de poursuivre : "On nous dit en permanence, aujourd'hui, que plus on sera gros, plus on aura de pognon ! Mais demain ?" puis de conclure : "Il faut que nous restions dans une structure a minima dans laquelle nous aurons la possibilité de nous exprimer. Je suis pour que nous nous maintenions sur notre secteur de Guingamp que nous connaissons bien. Paimpol, c'est la côte… Ce n'est pas les mêmes paysans que chez nous. Ils font des choux fleurs, les nôtres sont des éleveurs". Plus tard au cours du tour de table, il maintiendra sa "volonté de fonctionner avec des gens qui correspondent à nos intérêts généraux, avec qui l'on vit depuis la nuit des temps et faire avec eux le meilleurs projet de territoire". Bref, pour l'élu Bégarrois, la communauté de Paimpol n'est pas la bienvenue.

Yvon Le Moigne : Un homme heureux !

Yvon Le Moigne, le maire de Squiffiec, par ailleurs Président du Pays de Guingamp, est un homme heureux : "Vous comprendrez que ce schéma sur lequel on travaille depuis quelques mois soit validé par le Préfet puisse me convenir. Cinq raisons à cela : La première, c'est l'effet cascade. Au départ, il y avait un accord tacite des trois B (NDLR : Pays de Bégard, Pays de Belle-Isle en Terre et Pays de Bourbriac) et Guingamp et on s'est retrouvé en cascade avec Pontrieux qui n'avait plus qu'un seul choix : se raccrocher de Guingamp et il ne restait plus alors que l'isolement doré de Paimpol". La seconde raison évoqué par Yvon Le Moigne, c'est une nécessaire visibilité "à l'horizon de 2030, dans une géopolitique bretonne, il faudra bien qu'on soit vu". La troisième raison, pour l'élu communautaire, "c'est le fait des solidarités" : "Associer des communes ou des CdC à revenus modestes avec des intercommunalités aux revenus plus aisés, c'est un fait de solidarité important". Pour le quatrième point, il est ensuite question de projets : le tourisme et la santé : "Le canton de Bégard a opté pour une vocation touristique. Avec Pontrieux, Paimpol, il y a là moyen de s'auto-porter sur une thématique qui correspond à ce territoire. En termes de santé, vous avez un pôle Paimpolais, Guingampais et le pôle Bégarrois qui ne sont pas concurrentiels. Ils sont interconnectables". En résumé, Yvon Le Moigne donne son aval à ce territoire rural et maritime sous trois conditions : la mutualisation des services et notamment en termes d'agents – "il y aura des effets sur l'ensemble des personnels territoriaux" – le mode de gestion – "la gestion de ce territoire ne pourra être que girondine; Ce sera une gestion fédératrice. Chaque ancien territoire devra garder un point d'attache" – et la constitution d'un projet commun "dans lequel la ruralité devra être une des priorités" puis de conclure : "Oui à ce territoire ! J'applaudis de toutes mes mains, mais il y a des conditions…".

Du tour de table des communes de la Communauté de Communes du Pays de Bégard, qu'il s'agisse de Trégonneau, de Saint-Laurent, de Pédernec, de Kermoroc'h ou de Landébaëron, l'accord se fait sur ce territoire rural et maritime.

Gérard Le Caër : "Si on reste à 15.000, on va rater le train !"

La position de Gérard le Caër, le maire de Bégard, se résume en ces mots : "Effectivement les choses changent tous les jours. Ce n'est qu'hier soir que l'on a appris que Pontrieux souhaitait être rattaché à Guingamp et faire venir Paimpol par continuité territoriale; On est donc un peu coincé ! Nous avons pris une délibération il y a une semaine… mais depuis, cela n'arrête pas d'évoluer. Il ne faut pas qu'on reste à côté du chemin. On a résisté longtemps, estimant que l'on pouvait réussir quelque chose à 15.000 habitants mais on se rend compte, très franchement, que si on reste à 15.000, on va rater le train. Et puis, il y a Guingamp où tout n'est pas tout rose dans les rapports entre la commune centrale et les communes périphériques…". L'élu Bégarrois convient que désormais, l'approche est différente : "Je maintiens ma réticence vis-à-vis de cette loi qui impose des choses, qui ne laisse plus le choix … mais la loi est passée ! Le décret est promulgué et il faut maintenant regarder devant et essayer de tirer du positif de cette nouvelle communauté, qui devra être une communauté d'agglomération pour qu'on puisse avoir du ressort et ainsi rebondir sur des projets de territoire". Il regrette l'absence de projet – "on nous demande de cibler un territoire sans qu'il y ait de projet! C'est la poule OU l'œuf !" – mais il reconnait qu'il faut néanmoins avancer : "il faut commencer par quelque chose, alors faisons une proposition de territoire et après, nous pèserons pour faire valoir nos projets, nos souhaits, nos éléments structurants". S'il milite toujours pour une solution à 50.000 habitants avec Coatascorn et Pluzunet (NDLR : C'est la motion votée lors du dernier conseil municipal), il n'est pour autant pas fermé à des évolutions, "mais il faut mieux apprendre à marcher avant de courir" conclut-il.

Cinderella Bernard : "On est en train de refonder notre République"

Pour l'élue Bégarroise et Départementale, "nous sommes en train de vivre un fait historique : on est en train de refonder notre République et on voit cette volonté, pour pouvoir siéger et peser sur les projets, de créer de nouvelles communes (NDLR : par agglomération de communes adjacentes) qui feront que les petites disparaîtront".  Selon Cinderella Bernard, "la loi NOTRe donne plus de pouvoirs au Conseil Régional qui va superviser ce qui se passera dans les collectivités" et elle pose alors la question : "quid du Département ? Va-t-il rester ou disparaître ?". Pour elle, au vu des missions du Département, il va probablement rester, "mais les élus départementaux, à terme, certainement pas". L'adjointe au maire de Bégard rejoint l'avis de Gérard Le Caër : "Il faut prendre le train de suite avant qu'il nous échappe mais ces grandes intercommunalités vont nous éloigner du citoyen, c'est évident. On est tous d'accord pour se tourner vers Guingamp, mais on va vers une intercommunalité de 70.000 habitants et en même temps… on n'a pas d'autres choix".

Vincent Clec'h : "Il faut rester solidaires et campés sur nos valeurs"

"On est tous pour aller sur le territoire de Guingamp, résume Vincent Clec'h, mais on voit qu'en faisant ce choix, il y aura Pontrieux et Paimpol et il faut respecter le choix fait par les intercommunalités de rejoindre tel ou tel territoire". Pour lui, il est important que tous les mots qui ont été dit soient mis dans la délibération; "Ils doivent être des conditions : ruralité, proximité, service public, solidarité… pour que l'on puisse garder une relation avec nos habitants. On sait qu'il y aura moins d'élus communautaires sur notre territoire actuel, on sera dans un grand ensemble… Mais il est important dans cette délibération, que nous montrions que nous voulons être acteurs et moteurs de ce qui va se construire. Nous ne serons pas entendus sinon et les choses se feront sans nous". Il préconise que durant la construction de cette nouvelle intercommunalité -  "même si la Cdc du Pays de Bégard va disparaître au 1er janvier 2017" – les élus des communes du Pays de Bégard, "restent solidaires, campés sur nos valeurs, nos projets, qu'on les défende, qu'on négocie…" puis il conclut : "C'est un rapprochement… pas une fusion et je n'ai pas peur de Paimpol… Même si le maire de Paimpol est un peu dérangeant sur ses positions, la ruralité aura un poids, il sera en ultra minorité".

Unanimement, les élus communautaires votent pour une délibération qui aura valeur d'orientation et qui, sans dénaturer les positions de chacun, traduise l'esprit et les volontés exposés par le Président en synthèse.

(1) Centre de Gestion des Côtes d'Armor - (2) Communauté de Communes

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